LUTTE CONTRE L’IMPUNITE
QUELLE STRATEGIE ?
Grâce
à une lutte acharnée des militants des droits de l’homme, des prisonniers
politiques, de leurs familles, de l’ensemble des forces démocratique et du
soutien international que cette lutte a reçu, la question des droits de l’homme
a connu une évolution sensible dans son aspect le plus noir à savoir les
assassinats, les enlèvements et les disparitions forcées. Cependant la question
des droits de l’homme reste entièrement posée dans son intégralité malgré le discours
du Makhzen.
La
persistance de cette problématique trouve son illustration aussi bien au niveau
de l’évolution du droit qu’au niveau de celui des compagnes répressives orchestrées par le Makhzen :
-
code des libertés
individuelles et collectives
-
les droits économiques,
sociaux et politiques
-
répressions des
manifestations pacifiques
-
Interdiction de
journaux….
-
L'accentuation de la
logique concentrationnaire du pouvoir
Ceci
démontre si besoin est, le lien étroit entre la problématique de la démocratie
et celle des droits de l’homme. C’est dans ce contexte que le dossier des
victimes de la disparition forcée et de la détention arbitraire a été posée
pour un "règlement".
Le
Forum marocain Vérité et Justice, aux cotés des associations de droit humain et
des forces démocratiques a réussi à mettre cette question au centre de la vie
politique au maroc. Pour cela le symposium national tenu à Rabat du 9 au 11
novembre 2001 sur les violations graves des droits humains au Maroc a constitué
une référence. Le pèlerinage organisé au bagne de TAZMAMART le 7 octobre 2000 a
constitué une étape importante dans la lutte. Nous saluons également l'audace
et le courage de l'A.M.D.H. par la publication d'une liste non exhaustive des
tortionnaires et aussi celui du comité de coordination des familles des
disparus et des victimes de la disparition forcée qui n'a cessé
d'organiser résistance des familles des disparus et ce notamment par
l'organisation des grèves de la faim. Un consensus qui s'est dégagé à propos de
la revendication centrale à savoir
l'institution d'une commission d'enquête indépendante pour faire la lumière sur
les violations graves des droits humains que notre pays a connu.
La
convergence des luttes et la résistance d'un bon nombre de militants ont
empêché le MAKHZEN de liquider ce dossier selon sa conception et qui a pour
objectif de le réduire à la simple question d'indemnisations des victimes.
Or,
toute cette résistance a été organisée dans un contexte politique compliqué et
complexe, à savoir :
-
l'installation d'un gouvernement
d'alternance makhzenien
-
la transition du pouvoir
au niveau du sommet de l'état et le discours qui l'a accompagné afin de
contenir le mécontentement populaire et de renouvelé son assise sociale
-
la makhzanisation d'une
large frange de l'élite politique et intellectuelle s'appuyant sur le concept de "transition démocratique",
discoure du makhzen destiné à la consommation médiatique. Cette démarche de
l'élite, l'a amenée à une logique de compromis avec le MAKHZEN, mais l'histoire
du Maroc a montré que cette logique ne
peut aboutir qu'à une logique de compromission.
-
L'approche des échéances
électorales a poussé cette logique jusqu'au bout
Il
est vrai qu'il n'existe pas de réalité en dehors de l'idée qu'on s'en fait.
Justement, les jeunes, les chômeurs diplômés ou non, l'ensemble des classes
populaires et paupérisées ont une idée
de la réalité qu'ils vivent. Le discoure n'a pas de pouvoir pour modifier cette
réalité car elle vécue quotidiennement.
La
colonne vertébrale de la politique maghzaniene
pour assurer la continuité de
son caractère mafieux repose essentiellement sur les violations systématiques
des droits humains. C'est pour cette raison que la question de la vérité et de
la justice heurte et d'une manière frontale le caractère makhzanien de l'état
et à l'opposé, elle participe, de fait aux luttes pour l'édification de l'état
de droit. Ceci explique le fait que le maghzen ne veuille rien céder sur le
fond et veut "liquider" ce dossier en le réduisant à la simple
question d'indemnisation des victimes, ce qui lui permet de ne pas remettre en
cause la nature même du pouvoir, d'assurer l'impunité aux tortionnaires et de
ne pas affoler les membres de ses appareils répressifs.
Les
pressions exercées sur le makhzen l'ont obligé à faire des concessions et qui sont loin d'être à la hauteur pour
satisfaire les revendications des victimes, de leurs familles, ceux du
mouvement de droits humains, des forces démocratiques et finalement celle du droit
légitime, de tout le peuple marocain, à savoir la vérité. Il ne reste pas moins
que ces acquis ont constitué une étape et seulement une étape, importante dans
notre combat. Par la publication par CCDH
en 1999 une liste de 112 personnes victimes du phénomène de disparition.
, Par la reconnaissance officielle de l'existence des pratiques barbares allant
de la détention arbitraire jusqu'à l'assassinat et par la libération de
nombreux détenus politique, une autre étape dans la lutte s'est ouverte avec
comme pour revendication centrale la vérité et la justice. La constitution du
forum a été le point de départ. Nous
pouvons relever dans sa plate forme adopté à Casablanca les 27 et 28 novembre
1999 les points suivants :
·
l’établissement de la
vérité sur les circonstances des violations des droits humains subis par les
victimes et l’ensemble de la société et sur les causes qui ont conduit à la
perpétration des crimes contre les droits des personnes et des groupes,
·
mettre un terme à
l’impunité des auteurs et des instigateurs des violations et de rétablir la
primauté du droit et des droits de l’homme, rétablir les victimes dans leur
dignité, leur assurer réhabilitation et réadaptation et de garantir leur droit
à la réparation morale et matérielle
Or
depuis, nous constatons qu'aucun résultat tangible, ni aucune avancée
significative n'ont été arrachés concernant ces points. Comme nous l'avons
indiqué plus haut les causes en sont multiples ? Nous avons, nous concentré sur
les causes internes concernant le FORUM et les erreurs pour ne pas dire les dérives de ce dernier.
La seule logique qui nous guide dans l'élaboration de ce document est celui de
la critique positive afin de contribuer à ce que l'action du forum soit plus
efficiente.
A
posteriori, nous pouvons dire que l'action des dirigeants du FORUM a été guidée
soit par un postulat qui consiste à croire que le régime est en voie de démocratisation
et par voie de conséquences l'existence d'une volonté politique chez le makhzen
pour un règlement juste et équitable ou soit par une analyse politique erronée
qui a vu dans les adaptations du régime aux exigences à la fois de la mondialisation
et à l'accord d'association avec l'union européenne les prémices d'une transition démocratique. Cette vision a conduit inévitablement à entamer des
négociations basées une logique de partenariat comme si le MAKHZEN pouvait être
un partenaire, de plus ces négociations ont été dépourvues de tout cadre légal
et elles se passaient dans l'opacité la plus totale. Les incidents qui ont
accompagné la marche sur TAZMAMART
et le comportement de certains
dirigeants du FORUM à cette occasion ont mis à jour des dérives graves
dont les participants ont été témoins.
La décision politique de n'apporter qu'un soutien mitigé et limité à la grève
de la faim des familles du 23 et 24 mars 2001 est une autre illustration. La
polémique entre des dirigeants du forum et l'A.M.D.H. après la publication de
la première liste des tortionnaires en décembre 2000. La production de tout un
discours faisant de la particularité du Maroc une spécificité et n'a et ne va servir en réalité que de permettre
au makhzen d'atténuer les conséquences de notre revendication légitime qui est
non à l'impunité.
Or,
en réalité nous savons tous que pour le makhzen cette question reste sensible
et qu'il a élaboré une stratégie qui lui permet de gagner du temps en pariant
sur l'essoufflement du mouvement et les divisions qui peuvent le ronger de
l'intérieur. En soufflant le chaud et le froid, il a poussé les dirigeants du
FORUM qui sont trouvé dans l'obligation de s'ériger comme un tampon et donc un
amortisseur des luttes et ce au lieu de se positionner comme organisateurs des
luttes. Cette situation a eu son corollaire inévitable à savoir la suspicion et
la politisation (dans le mauvais sens du terme) de la cause commune.
Or
la légitimité de nos luttes et de notre cause dépassent et de loin les calculs
politiciens partisans et/ou personnels et l'Histoire en jugera.
L'aspiration
légitimes des familles et des victimes à la vérité et à la justice a fait en
sorte que malgré tout cette cause est toujours vivante et que la stratégie du
MAKHZEN n'est pas arrivée à l'enterrer.
Il
faut rappeler que les membres du Forum sont des victimes et ou familles des victimes. Il a été constitué
après la reconnaissance formelle par le Makhzen de la disparition forcée et de
l’emprisonnement arbitraire et après que ce dernier a tenté de réduire le
problème à une simple question d’indemnisation. Nous constatons que les
victimes et leurs familles ont mis la question de l’impunité au cœur de leurs
revendications.
Le
Makhzen est en effet le responsable de ces crimes contre l’humanité. On peut
donc se poser légitimement la question
comment peut – on envisager l’établissement de la vérité et la poursuite
des criminels. Les crimes ont été commis sous un système politique et au nom de
sa sauvegarde. Ce alors que la vérité aura pour conséquence inéluctable la
condamnation de ce système et que la question de l’impunité conduira à
l’ébranler. Ce qui pose la question de la survie même du Makhzen. L’équation
est donc complexe, d’autant plus que nous ne connaissons aucune expérience
similaire dans le monde à celle du Maroc. C’est à dire un pays qui a réussi à
résoudre ce problème de l’impunité au sein
même du système responsable des crimes.
Toutefois,
les expériences du Chili, l’Argentine et de l’Afrique du sud, données comme
exemple, nous permet de tirer deux
enseignements à savoir d’une part que la lutte contre l’impunité
ne peut être séparer de la lutte pour la démocratie et d’autre part que les
résultats tangibles bien que relatifs dans le cas du Chili et celui de
l’Argentine, concernant la question de l’impunité n’ont été obtenues qu’après
une rupture plus au moins franche d’avec le système responsable des crimes [1].
La
question qui vient immédiatement est
celle de savoir si le Maroc a connu une rupture dans le système du
Makhzen ? Lorsque les plus hautes autorités revendiquent non seulement la
continuité mais également l’héritage en
joignant les actes à la parole et ce dans tous les domaines : libertés
publiques, politiques, économiques, sociaux, toute discussion introduisant le
doute dans la réponse à apporter à
cette question devient alors caduque. Le débat autour de cette question ne
relève que de la politique politicienne sous tendu par des intérêts qui ne
méritent pas d’être développés ici. ([2]
).
Comme
nous l’avons annoncé plus haut, le Makhzen à consenti d’ouvrir ce dossier sous
la pression des luttes et de l’écho qu’ont pu avoir ces luttes à l’étranger. En
effet cette question est devenue gênante pour faire des affaires et obtenir des
soutiens. Il était également impératif pour le Makhzen d’essayer de
’’liquider’’ cette affaire pour
préparer la transition au sommet l’état. Notons également que l’affaire
Pinochet a soulevé de l’espoir chez bons nombres d’ONG de défonce des droits de
l’homme et a soulevé de l’intérêt chez les opinions publiques occidentales. La
mondialisation de l’économie a eu pour corollaire la naissance d’un embryon de
mondialisation des luttes des peuples. Il sera de plus en plus difficile aux
gouvernements occidentaux de continuer à faire des affaires avec des régimes
qui opèrent des violations flagrantes, dans leur aspect le plus ignoble, de
droits de l’homme.
Le Makhzen a pensé donc pouvoir liquider cette question en la réduisant au seul aspect de l’indemnisation. Or, grâce encore une fois aux luttes menées, la stratégie du pouvoir n’a pu aboutir. Il est important de rappeler que les questions de l’impunité, de la vérité et de la justice sont des causes de tout le peuple marocain dans sa quête historique de la liberté, la dignité et la démocratie.
Nous
voyons donc comment l’approche du pouvoir ne peut en aucun cas rejoindre celle
des victimes et de leurs familles qui réclament justice, réhabilitation et
réparation, celle des organisations des droits de l’homme qui militent pour que
ces crimes soient totalement bannis de notre pays et comme pour garantie un
état de droit et celle du forum qui milite dans les deux directions. D’où la
complexité du problème. Il faut rappeler que le concept de la vérité ne
supporte aucun compromis, autrement la moitié de la vérité ne constitue pas une
vérité et il est particulièrement insupportable de voir les criminels jouissent
d’une impunité totale. Comment peut – on faire croire dans les conditions
politiques actuelles que le Makhzen puissent lâcher ses fidèles serviteurs sauf
des lampistes par-ci par-là.
Le
FORUM organise son congrès à la mi
-juin 2002, ce congrès va constituer une autre étape importante dans la lutte
pour la vérité, pour la justice et contre l'impunité. C'est donc une étape
importante pour faire une critique constructive de l'expérience, d'en tirer les
leçons et de redessiner les perspectives de luttes de la période qui va
s'ouvrir en tenant bien sûr compte du contexte politique, de l'expérience du
FORUM et celles des autres pays.
Quelle
autre approche ? QUELLE STRATEGIE?
Nous ne pouvons ignorer le contexte politique et le processus historique ainsi que l’environnement international dans lequel nous évoluons et les expériences des luttes des peuples qui ont été ou qui sont toujours concernés par la même problématique qui nous intéresse. Nous ne pouvons également ignorer les idéaux humanistes pour lesquels la plus part des victimes ont subi les pires des atrocités et en fin nous devons jamais perdre de vu c’est le Makhzen en tant que système qui est responsable de ces crimes et l’aspiration du peuple marocain à la liberté, à la dignité et à la démocratie.
Partant de ces considérations on ne peut situer la lutte contre l’impunité, pour la vérité et la justice que dans le domaine d’une lutte acharnée afin de construire un rapport de force pour imposer au Makhzen la satisfaction de nos revendications. Notre sujet ne peut supporter aucune considération de politique politicienne.
Nous devons aussi prendre acte que ces crimes abominables n’ont pu être commis que du fait l’absence de l’état de droit et de la dictature subie par le peuple marocain.
Compte tenu de la nature du régime politique au Maroc, nous pensons que la vérité et la justice sont étroitement lié au combat pour la démocratie dans notre pays et que les avancées qui peuvent être réalisées seront en parallèle. Ce combat exige la construction d'un rapport de force qui ne sera forgé que dans une lutte acharnée et convergente de toutes les forces de la société et chacun selon sa conviction et son domaine. Naturellement le FORUM occupe une place importante et selon sa spécificité. De plus la légitimité de son combat le place en dessus de toute considération partisane et lui confère un écho et une force.
L 'ensemble des recommandations
émises par le symposium national a été tenu à Rabat du 9 au 11 novembre 2001
sur les violations graves des droits humains au Maroc concernant :
· Les
mesures urgentes
· La
divulgation de la vérité par la mise en place de la commission de la vérité
· Le
repentir public et officiel de l’Etat
·
L’indemnisation, la réparation du préjudice, la réhabilitation et la
restitution
· La
sauvegarde de la mémoire collective de la société
· Les
réformes institutionnelles, législatives, administratives, éducatives
et de protection
· La commission du suivi,
constituent une avancée significative dans la lutte contre l'impunité et pour la vérité et la justice. Le congrès doit élaborer une stratégie de luttes pour atteindre ces objectifs. Cette stratégie doit être et à notre sens à double entré:
a) la
satisfaction des revendications les plus urgentes des victimes et de leurs
familles
- la libération des disparus encore vivants
- La restitution des dépouilles à leur famille. Pour les restitutions de dépouilles, l’expérience réussie du Chili et de l'Argentine dans le domaine de l’identification et du travail de la médicine légale peut constituer une aide importante. Nous devons d’exiger les restitutions de tous les corps et ce jusqu’au dernier, nous ne devons également tolérer aucune entrave au travail d’identification et à celui de la médecine légale. Il faut concevoir le travail de la médecine légale comme un travail participant à la manifestation de la vérité, car il va démonter toutes les atrocités commises et élucider les conditions de décès. Il faut prévoir que le Makhzen fera de la résistance concernant ce point car tout le travail d’identification et le travail de la médecine légale permettra de fait d’accumuler des preuves concrètes et tangibles sur l’ampleur des atrocités. Cependant, la légitimité de ces revendications et le rapport de force que nous pouvons construire par une mobilisation sérieuse et planifiée va nous permettre d’avoir le soutien nécessaire pour obliger le Makhzen à céder et à court terme.
- La question de l'indemnisation est étroitement liée à la notion de la justice qui elle-même liée à la notion de la vérité et l'ordre ne peut être inversé. Par contre et compte des drames vécus, il faut mettre au centre des revendications urgentes la notion de l’intégration sociale et économique dans la société des victimes, des orphelins et des veuf(ve)s. IL est impératif que toutes les victimes directes ou indirectes puissent bénéficient d’un processus les conduisant à une intégration totale dans la société et sur tous les plans (santé, travail, logement….).
- la suppression, par une loi, de tous les fichiers concernant les militants qui ont été ficher pour raison de leurs activités militantes…..
b) la
commission de la vérité
Si dans son principe, cette commission obtient un large consensus, sa conception, les conditions de sa mise en place, de son fonctionnement et la délimitation de son pouvoir sont non seulement des enjeux majeurs mais il conditionne sa réussite quant aux atteinte des objectifs tracés.
Selon la réponse qui sera donnée à toutes ces questions, le travail de cette commission va aboutir soit à la recherche de la vérité soit à la liquidation de la question. Le débat doit aboutir à non seulement énoncer les principes, mais il doit aussi définir les aspects techniques.
Nous allons ici contribuer à annoncer quelques idées:
- Affirmer le principe qui consacre l'idée selon laquelle l'accusé ne peut être ni instructeur ni juge. Ce principe élimine le makhzen de toute représentation dans cette commission. Outres les représentants des familles et les victimes, des juristes indépendant, représentants du mouvement de droits de l'homme, des personnalités connus pour leur impartialité doivent y siéger.
- La commission doit être installée par une loi, qui lui garantie l'indépendance totale et de tous pouvoir et lui donnant les moyens légaux, juridiques, matériels pour pouvoir travailler en toute indépendance et sans aucune entrave.
-
elle doit avoir un pouvoir illimité dans le temps tant
qu'elle n'ait pas terminé sa mission et son rapport doit être rendu
publique
-
la commission doit avoir les mêmes prérogatives qu'un
juge d'instruction avec en plus les pouvoirs de la police judiciaire tout en
ayant le droit de passer outre l'immunité à quelque titre que se soit accordé
aux personnes qu'elle souhaite interroger et de libérer les fonctionnaires qui
en bénéficient de l'obligation de réserve
….
-
Affirmer dans la loi constitutive de cette commission,
l'accès libre et sans entrave à tous les archives qu'elle souhaite consulter.
Comme
nous l’avons vu plus haut, il n y’a aucun pays qui a pu résoudre la question de
l’impunité sans qu’une rupture politique d’avec le système responsable des
crimes ne se produit. C’est donc par essence une lutte qui ne peut que
rejoindre la lutte pour la démocratie et l’état de droit. Cette lutte ne peut
être conçue que comme une lutte acharnée et qui ne peut produire des résultats
tangibles qu’à long terme. Elle doit avoir comme objectif intermédiaire d’introduire
cette question et avec force non seulement dans le débat politique au pays mais
aussi parmis les premières préoccupations de l’opinion nationale. Elle aura
aussi comme objectif de faire des ONG, des instances internationales intéressées par la question et les opinions
publiques occidentales une caisse de résonance de cette revendication légitime.
La sensibilité que suscite cette question demeure un atout. Il faut donc faire de l’abolition de l’impunité et de l’établissement
de la vérité et de la justice l’objectif permanent qui ne serait ni monnayable
ni négociable et préparer les conditions de rapports de forces qui nous
permettent de l’atteindre et ce n'est que dans ces conditions que nous pouvons
imposer au makhzen notre conception de la commission vérité
Cette
lutte peut prendre plusieurs formes et on peut citer quelques exemples:
-
organier une
compagne sensibilisation de l’opinion
publique afin de propulser la question de l’impunité au centre des débats
publique et au centre des luttes populaires,
-
travailler pour obtenir
un consensus politiques de toutes les forces démocratiques du pays sur cette
question
-
la réhabilitation de
chaque victime par l’établissement d’un mémorial dans chaque village ou ville
natale de la victime, ceci va permettre d’amener le débat au cœur même de
toutes les régions du Maroc
-
instituer un jour de
commémoration sur le plan national qui sera l’occasion de débat et de
recueillement
-
organier des
rassemblements devant les lieux de tortures et ou de détention clandestine
-
recueil de témoignage et
élaborer une liste de criminels qui sera publier périodiquement
-
déposer des plaintes à
l’étranger lorsque la loi le permet (exp. Belgique) contre les criminels
-
-
militer activement
auprès des ONG, des instances internationales et de toutes les organisations
démocratiques afin que cette question devienne une priorité dans leurs rapports
avec le maroc.
Cette
stratégie se veut à double entrée. Elle consiste à militer pour satisfaire les
revendications immédiates des victimes et de leurs familles tout en œuvrant
pour la préparation et la création des conditions qui nous permettent
d’atteindre la vérité et la justice ainsi que l’abolition de l’impunité.
L'enjeu
donc de ce congrès du forum est celui de tirer les leçons de la démarche
adoptée jusqu'à lors, de nous convaincre que si la négociation n'est pas appuyé
par l'action et le rapport de force crée elle peut conduire à la paralysie voir
au renoncement et de nous doter dans l'unité d'une direction qui peut impulser
et organiser les luttes pour arracher nos revendications. La tache et la
résponsabilté des congressistes sont à ce point de vue lourdes.
Tours
le 18/05/02
EL WASSOULI KARIM,
([1]) voir texte en arabe ‘’ attachons nous à la connaissance de la vérité et à la poursuite des criminels’’ http://perso.infonie.fr/elwassouli01 rubrique disparus
([2]) voir l’excellente analyse de SAMADI ABDEL MALIK, ‘’Du Makhzen pur au Makhzen à visage décaféiné’’ ; http://perso.infonie.fr/elwassouli01 rubrique débat